Les derniers billets avaient une tonalité plutôt morose... pourquoi donc changer ?!
Non seulement hier et ce soir j'aurais dû assister aux deux concerts de Pat Metheny prévus dans le cadre du week-end que La Philharmonie de Paris avait prévu de lui consacrer (à moins que vous ne sortiez de trois mois de coma, vous savez pourquoi ça a été annulé...) mais nous sommes de plus le 14 juin, date anniversaire de la mort du pianiste de jazz Esbjörn Svensson suite à un accident de plongée sous-marine dans l'archipel de Stockholm en 2008 à 44 ans :-(

Esbjörn Svensson est à ce jour la seule personne que je ne connaissais pas personnellement et dont j'ai pourtant pleuré (au sens propre du terme) la mort lorsque je l'ai apprise le lendemain à la radio (sur FIP à n'en pas douter).
J'ai aimé et j'aime encore passionnément sa musique, je pense que je l'aimerai toujours et qu'elle m'accompagnera jusqu'au bout, comme celle de Brad Mehldau, un autre musicien de ma génération ;-)

Je vous propose de lui rendre hommage en écoutant un morceau emblématique de l'art de l'Esbjörn Svensson Trio (e.s.t. pour les intimes, les fans et les autres, tout le monde en fait), trio qu'il avait formé avec son ami d'enfance le batteur Magnus Orström et Dan Berglund à la contrebasse. Une très belle conception du trio jazz, tout comme celle du Brad Mehldau Trio (encore lui !), à la fois semblable (dans l'esprit) et fort différente (dans la forme) ;-)

Le jazz d'e.s.t. est résolument moderne et vivant, mélange de jazz et de musiques plus populaires comme le rock, la pop ou l'électro. Un jazz dont les solos témoignent d'une grande virtuosité, un jazz qui ne se prend pourtant pas au sérieux, avec des morceaux aux titres souvent pleins d'humour et d'une poésie un brin surréaliste.

"Strange Place for Snow" (2002) est le sixième album studio d'e.s.t., celui qui les a fait connaître hors des frontières scandinaves, leur a valu une tripotée de prix et permis de devenir un trio de jazz majeur des années 2000 (à moins que ce ne soit un groupe de rock majeur des années 2000 ?!). Ce disque comporte un morceau tout bonnement incroyable, "Behind the Yashmak", quatrième piste qui dure un peu plus de dix minutes, dix minutes de partouze absolue ! ;-)

Un yashmak est une forme turque de voile islamique... et qu'y a-t-il donc derrière ce yashmak ? Eh bien une séance de transe digne des derviches tourneurs mes amis ! :-D
Tout en crescendo, le morceau démarre en douceur, presque en filigrane, pour monter progressivement en s'intensifiant sur le rythme tendu de la batterie au jeu électro, Svensson égrenant ses notes de piano à la manière d'un Jarrett, pour finir dans un tourbillon. Le tout interprété en osmose télépathique avec un lyrisme bouleversant, ouvrant de nouvelles portes à toute une génération de jazzmen. Un style intense et délicat qui a su toucher un large public.(1)
À son apogée le morceau s'interrompt brusquement... comme il est sans doute impossible de "bien finir" une pièce aussi intense que celle-ci, nos trois compères ont fait le choix du coitus interruptus, une méthode un rien frustrante que La Partouze Musicale ne peut que désapprouver malgré son respect absolu de la liberté des artistes ! 8-)

Bonne partouze à tous et merci infiniment cher Esbjörn, R.I.P.

Spéciale dédicace à Gabriel, un sympathique lycéen bourré de qualités et de talents qui compose de la musique électronique et aura 16 ans mardi ; d'avance Joyeux Anniversaire Gabriel ! :-D

(1) Passage éhontément pompé dans le numéro spécial que Jazz Magazine a consacré en mars 2017 à 100 ans de jazz en 100 morceaux cultes... ;-)

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E.S.T._-_Strange_Place_for_Snow