La Partouze Musicale

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dimanche 26 septembre 2021

La Partouze Musicale #106 (2021/38)

D'aucuns (que nous ne nommerons pas) se plaignent que l'on parle beaucoup trop de partouze sur ce modeste blog... C'est un comble !?
Mais notre équipe est prête à tenir compte des critiques constructives et cette semaine nous ne parlerons pas de partouze. En effet, il n'y a pas que la partouze dans la vie, un bon vieux plan à trois c'est pas mal non plus et ça a fait ses preuves ! ;-)

Il y a plus d'un an La Partouze Musicale vous avait proposé d'écouter un orgasme de guitare électrique. Il est plus que temps de vous faire écouter un orgasme de piano ! D'autant plus que cet orgasme pianistique survient au terme d'un plan à trois... 8-)
Un plan à trois orchestré par Nils Frahm entre un piano droit, un piano à queue (!) et un synthétiseur analogique Roland Juno-60 auxquels viennent s'ajouter quelques accessoires (des sex-toys en quelque sorte) tels qu'une boucle à retard analogique Roland RE-501 Chorus Echo ou un modulateur en anneau Moogerfooger MF-102...

Orfèvre du piano et des alliages de son instrument-roi avec l’électronique, Nils Frahm compose depuis Berlin la bande originale des solitudes urbaines, des paysages intérieurs et des sensualités 2.0, à la croisée du minimalisme et des sorcelleries sonores technoïdes. Aucune étiquette (néo-classique, ambient…) ne saurait circonscrire cette musique à la fois maîtrisée et follement libre, lumineuse malgré ses ombrages, expressionniste y compris dans ses sublimes silences.(1) 
"Spaces" (2013), son dixième disque est un album hybride, ni un album studio ni tout à fait un album live mais un collage d'enregistrements analogiques effectués lors d'une trentaine de concerts en deux ans.(2) Quoi qu'il en soit, c'est avec cet album que Nils Frahm est passé d'élégantes compositions pour piano solo à des sonorités plus familières aux amateurs de rave party et aux aficionados des claviers vintages(3), ce qui a propulsé le berlinois au rang de petit prodige de l'hybridation musicale.(4)

"Says" est la deuxième piste de cet album clef dans le brillant parcours de Nils Frahm et ce morceau non seulement prend son temps (8'18") mais fait effectivement plein usage de l'espace. Il empile d'élégantes lignes mélodiques au synthétiseur, de beaux arpèges au piano (piano droit au début, piano à queue pour le final), les étire, les étale, les engage dans de superbes boucles labyrinthiques et en augmente progressivement l'intensité jusqu'à l'apothéose finale... en somme, un orgasme ! :-D

Spéciale dédicace à l'ami Benjamin dont c'était l'anniversaire vendredi ainsi qu'à l'amie Elena qui prendra sa retraite le 1er octobre et va donc enfin pouvoir être déraisonnable ;-) D'avance Bonne Partouze Bonne Retraite Elena ! 

(1) Là, je ne me suis pas embêté, j'ai pillé le site ouaibe de la Philarmonie de Paris qui lui avait consacré une carte blanche le 30 juin 2018, événement que j'ai malheureusement raté :-(

(2) Il en détaille et discute le processus de création dans un très intéressant entretien accordé au magazine Interview.

(3) Vous trouverez sans mal sur ToiTubeTM diverses belles captations de "Says" (notamment pour la BBC ou au célèbre festival de jazz de Montreux). Il en existe une très intéressante où les deux pianos sont remplacés par un unique piano électrique Fender Rhodes, ce n'est certes plus un plan à trois mais la vidéo de ce Live on KEXP vaut le détour ! ;-)

(4) Vous aurez noté comme je me suis retenu de remplacer hybridation par partouze !... ;-)

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Nils_Frahm_-_Spaces

dimanche 15 décembre 2019

La Partouze Musicale #22 (2019/50)

Après les cassettes VHS dépravées et l'hapax existentiel provoqué par une K7 audio, poursuivons donc notre tour d'horizon des supports de stockage obsolètes... avec le CD bien sûr ! ;-)
Et tant qu'on y est, faisons coup double en poursuivant également notre projet communautariste s'inscrivant dans le cadre d'un machiavélique plan global de Grand Remplacement culturel, musical et libidineux ! ;-)

J'étais au début de mes études supérieures et ça faisait à peine un an que nous avions un lecteur de CD à la maison lorsqu'un camarade de classe avec lequel j'avais discuté musique m'a prêté un bien étrange et imposant coffret de cinq CDs d'enregistrements effectués par Radio France au célèbre Studio 103 (remplacé depuis 2003 par l'Auditorium de Radio France) en novembre 1985 et au Théâtre de la Ville (Paris) lors de deux concerts en mars 1988 du musicien pakistanais, maître de qawwalî (un style musical soufi), Nusrat Fateh Ali Khan :-)

Lorsqu'à l'été 1985, Nusrat Fateh Ali Khan est invité à se produire pour la première fois en occident, au festival WOMAD (co-créé par Peter Gabriel) à Londres, il est déjà considéré comme une légende au Pakistan.
Descendant d'une lignée de musiciens vieille de sept siècles, il a dépassé la tradition familiale du chant qawwalî qui célèbre aussi bien Allah, l'amour divin que l'amour profane et même le vin (dans la droite ligne d'Omar Khayyam !).
Il a mêlé plusieurs techniques et traditions musicales et ouvert son oreille sur le monde comme sur son pays, en utilisant plusieurs de ses idiomes, du pendjabi à l'ourdou, pour transformer une musique jusqu'alors réservée aux élites en un art authentiquement populaire. Né en 1948, peu de temps après la partition de l'Inde, il n'a pas 40 ans lorsqu'on lui décerne les titres honorifiques d’ustad (maître) et de shahinshah (roi des rois) du qawwalî.

Il se produit donc l'été 1985 à Londres(1), quelques mois plus tard à Paris (puis à nouveau en 1988 pour un concert mythique, ce sont les sessions qui seront publiées par Ocora), en 1987 au Japon,  en 1989 à New York et le public occidental qui a la chance de l'écouter découvre avec stupéfaction aussi bien un genre musical qu'un phénomène vocal.
Le chant de NFAK est en effet d'une puissance rare, sa voix d'une richesse incroyable, capable de toute les nuances, son vibrato impressionnant.
Il chante en s'adressant à Dieu et aspire à servir d'intermédiaire entre son public et le Divin... à une époque où Islam et Pakistan n'étaient pas affligés des mêmes connotations négatives qu'aujourd'hui(2) :-(

À Londres Nusrat Fateh Ali Khan a fait la connaissance de Peter Gabriel qui va devenir son ami et va aussi lui faire signer un contrat avec le label Real Word (qu'il a créé en 1989), permettant ainsi à un large public de découvrir son art singulier. Pour Real World, NFAK enregistrera non seulement plusieurs disques de chants traditionnels qawwalî mais aussi deux disques plus expérimentaux, "Mustt Mustt" et "Night Song", en collaboration avec le musicien canadien Michael Brook, inventeur de l'infinite guitar(3).

Je vous propose d'écouter "My Heart, My Life" le premier morceau de l'album "Night Song" (1996), le disque le plus expérimental de NFAK, un véritable chef-d’œuvre sur lequel officient non seulement Michael Brook mais aussi des musiciens classiques et sénégalais (on peut notamment entendre de la kora sur "My Heart, My Life").
L'art de NFAK atteignant des sommets lors de ses improvisations les plus longues (de près d'une heure !), Michael Brook choisit de le laisser faire, d'enregistrer des heures de matériau sonore qu'il va ensuite éditer, découper, assembler, remixer. Il va faire de même avec les enregistrements des autres musiciens qui pour des raisons logistiques ne pouvaient être présents en studio avec NFAK.
Ces enregistrements ont été effectués 1995, à une époque où l'informatique musicale n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui et Michael Brook a travaillé essentiellement avec un enregistreur multipiste (24 pistes) analogique, pas avec un disque dur et un ordinateur !... De ce travail de titan est né ce pur joyau, un disque de fusion(4) au sens le plus noble du terme, une porte vers cette extase mystique tant recherchée par les soufis, une partouze musicale de très haut vol :-)

Nusrat Fateh Ali Khan est malheureusement mort jeune à 48 ans (énorme, il chantait assis et faisait inévitablement penser à Bouddha...) en 1997, moins de deux ans après la sortie de "Night Song" et quatre ans avant les attentats du 11 septembre 2001...  Au moins il n'aura pas vu son pays, sa culture et sa religion traînés dans la boue... Paix à son âme et merci à lui pour la beauté qu'il a apportée en ce bas monde.

Spéciale dédicace à Gilles M qui m'a prêté le coffret Ocora, à Delphine S et Philippe C en compagnie desquels j'ai eu la grande chance de voir NFAK en concert au Théâtre de la Ville en 1995 (la salle était pleine de pakistanais en transe, quelle partouze mes amis !) et surtout à ma mère qui non seulement est sans doute la plus grande fan de NFAK en-dehors du Pakistan (!) mais aura aussi 75 ans dans deux jours, d'avance Joyeux Anniversaire Maman ! :-D

(1) L'enregistrement de cette performance a enfin été publié l'été dernier ! :-)

(2) Par exemple un seul des cinq CDs du coffret Ocora a été réédité à ce jour (en mai 2001 !) et c'est aussi le seul disponible en streaming... :-(

(3) L'exemple le plus célèbre d'utilisation de cette guitare est l'ouverture du morceau de U2 "With or Without You" sur l'album "The Joshua Tree".

(4) Vous aurez sans doute compris que tout comme Chouchou adooore les sushis, j'adooore Wikipédia ! ;-)

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Nusrat_Fateh_Ali_Khan_and_Michael_Brook_-_Night_Song