La Partouze Musicale

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dimanche 1 mai 2022

La Partouze Musicale #126 (2022/17)

Lorsque je vivais à Tokyo, je travaillais au sein du laboratoire d'un célèbre(1) scientifique japonais, professeur à la prestigieuse Université de Tokyo, pionnier des boîtes quantiques(2) et de leur utilisation au sein de lasers à semi-conducteurs mais piètre spécimen d'être humain ne ratant jamais une occasion de tourner son prochain en ridicule et d'affirmer sa supériorité intellectuelle et sociale. Le laboratoire consacrait une bonne part de son effort de recherche à un sujet qui n'était pas le mien, la réalisation des premières diodes laser à cavité verticale émettant par la surface (VCSEL) une lumière bleue. Cinq ans auparavant, en 1993, Shuji Nakamura, obscur ingénieur(3) travaillant pour la petite société Nichia avait contre toute attente mis au point la première diode électroluminescente à base de nitrure de gallium émettant efficacement(4) dans le bleu et ce en utilisant des méthodes de fabrication que les plus hautes sommités du secteur avaient jugées complètement inadaptées...

Et là vous vous demandez quelle mouche a bien pu me piquer et pourquoi je vous raconte tout ça alors que vous vous en tamponnez le coquillard... Eh bien figurez-vous que cette invention a rendu possibles des applications comme les écrans à LED, les diodes laser bleues (utilisées dans la technologie des disques Blu-ray remplaçant les DVD) et surtout les diodes blanches qui sont à la base d'une révolution en matière d'éclairage, il y en a désormais partout, vous en avez tous chez vous ! C'est ainsi que Nakamura s'est vu décerner une tripotée de prix scientifiques et technologiques dont le Prix Nobel de Physique 2014 "pour l'invention de diodes électroluminescentes émettant efficacement dans le bleu qui ont permis des sources de lumière blanche intenses et économes", excusez du peu ;-)

Le Canard Enchaîné du 20 avril(5) nous apprend qu'un halo orange troue le ciel en pleine nuit au nord de Rennes et qu'à l'aéroport de Brest, les avions sont enveloppés d'une lumière rose flashy, nimbant la nuit bretonne de couleurs surréalistes. Ces lumières ne proviennent pas de lampadaires mal réglés, ce sont celles de mégaserres de tomates, dopées à l'éclairage nocturne... au point d'être visibles de l'espace ! Et pas qu'un peu, selon un astronome : « Sur les cartes satellites, ces serres illuminées aux diodes électroluminescentes (LED) sont cinquante fois plus brillantes que le centre-ville de Rennes ! »

De quoi rendre fous les riverains de ces serres, qui y voient désormais comme en plein jour. En 2019, les aurores boréales déclenchées par les milliers d'ampoules LED éclairant les 17 hectares de serres implantées à La Chapelle-des-Fougeretz, près de Rennes, avaient provoqué des remous, les riverains s'étaient plaints d'entendre chanter les oiseaux à 3 heures du matin. Depuis, l'industriel Tomwest, propriétaire du site, a installé quelques volets, ce qui n'empêche pas pour autant la lumière de s'échapper.

Depuis cinq ans, la mode qui consiste à éclairer les tomates la nuit a gagné la campagne bretonne. Plusieurs dizaines d'exploitations ont adopté cette technique venue des Pays-Bas. « Stimuler la croissance des tomates grâce à des LED produisant des lumières bleues et rouges permet de pallier la baisse de luminosité hivernale, explique un installateur de ces équipements. L'exploitant peut ainsi espérer un gain de productivité de 60 %. » Comptez 150 euros par mètre carré, à ajouter au coût du chauffage, obligatoire. Plantées en septembre, ces « tomates de Noël », produites pour les marques Savéol ou Prince de Bretagne, garnissent les étals des supermarchés l'hiver...

Ces serres illuminées sont un pur désastre environnemental. A la pollution des sols et à l'usage d'énergies fossiles s'ajoute la pollution lumineuse, dévastatrice. Un écologue au Muséum national d'histoire naturelle confirme : « Les études montrent que l'absence de nuit perturbe toutes les espèces. Les oiseaux ne peuvent plus se reposer. Les migrateurs ne voient plus les étoiles. Les insectes étant attirés par la lumière, cela réduit les opportunités pour les chauves-souris, dont certaines ne peuvent chasser en milieu éclairé, comme les noctules, espèce en danger. Les plantes bourgeonnent au mauvais moment. Toute la biodiversité est perturbée, y compris les humains. » Or rien n'est fait ou presque pour réduire ces effets.

Et pour cause : l'arrêté du 27 décembre 2018 contre les nuisances lumineuses, qui a conduit les communes à réduire les éclairages publics, comporte des trous. « Il y a un énorme vide juridique concernant les installations agricoles et les publicités lumineuses. Ils font ce qu'ils veulent ! » s'agace l'astronome cité plus haut.
Le technicien installateur de LED fait le calcul : « A 20 euros le mètre carré de volet occultant, pour une serre d'une surface moyenne de 20 000 m2, ça fait 400 000 euros de plus à débourser. C'est beaucoup pour mes clients, d'autant qu'avec la crise ukrainienne les prix du gaz augmentent. Au point que certains songent à arrêter tout bonnement. »
Faut-il donc une guerre pour éteindre la lumière (bleue) ?!...

"BLUE" est une superbe chanson publiée en 2017 sur l'album "Petite Afrique" de Somi. Laura Audrey Kabasomi « Somi » Kakoma est une chanteuse et musicienne de jazz, née en Illinois de parents immigrés du Rwanda et de l’Ouganda et qui a passé une bonne partie de sa jeunesse en Zambie puis dans plusieurs pays d'Afrique avant de revenir aux Etats Unis. Avec ce cinquième album, elle rend hommage à la diaspora africaine du quartier de Harlem. Comme une anthropologue, elle met en musique toute la richesse culturelle et la dignité de ces habitants du célèbre quartier de New York souvent venus de l'Afrique francophone, musulmane, et sur la façon dont ils ont transformé ce quartier qui les a eux-mêmes changés, la gentrification les poussant désormais à s'éloigner de cette "petite Afrique".

Dans ses balades captivantes, Somi aborde avec justesse les idées du transnationalisme, de la différence culturelle et de l’assimilation. "BLUE" raconte ainsi la poignante histoire d'un amour contrarié par un mariage arrangé ayant qui plus est conduit à l'exil... L'artiste(6) aborde tous ces sujets avec une élégance et une puissance rares en mêlant jazz moderne, musiques traditionnelles africaines des groupes ethniques Wolof, Bambara et Peul, orchestrations de cordes et musiques urbaines. Ce cycle de chansons oscille avec délicatesse entre balades jazz mélancoliques, couleurs funk et rythmiques africaines. Somi nous livre avec "Petite Afrique" un pur bijou de jazz hybride, sensible et engagé.(7)

Spéciale dédicace à l'amie Séverine dont c'était l'anniversaire ce jour, à l'ami Olivier F dont ce sera l'anniversaire samedi prochain ainsi qu'à l'amie Véronique, éminente spécialiste française des VCSEL (et partouzeuse de haut vol !) qui les applique à des choses plus intelligentes et moins nuisibles qu'éclairer les tomates la nuit ;-)
Joyeux Aïd el-Fitr à tous les musulmans de France et bon Grand RemplacementTM à tous les autres ! :-D

Bonne Partouze (bleutée) à tous ! 8-)

(1) Une page lui est consacrée dans plusieurs éditions de Wikipédia dont l'anglophone. La Partouze Musicale fréquente décidément du beau monde... mais ce personnage n'a rien d'un partouzeur ! 8-)

(2) La boîte quantique a été inventée par Erwin Schrödinger afin de pouvoir facilement emmener son chat en vacances 8-)

(3) Rendez-vous compte, le mec n'avait même pas de thèse de doctorat ! Du coup on lui en a filé une en 1994 histoire que les plus hautes sommités du secteur se sentent un peu moins mal à l'aise...

(4) Presque 1000 fois plus lumineuse que les quelques dispositifs fabriqués jusque là ! 8-O

(5) Quasiment tout ce qui suit est pompé sur l'article "Des tomates vues du ciel", p.5 ! 8-)

(6) Somi est également conférencière TED et a fondé l’ONG New Africa Live.

(7) Une fois de plus, j'ai pillé FIP sans aucune vergogne ! 8-)

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Somi_-_Petite_Afrique

dimanche 16 janvier 2022

La Partouze Musicale #118 (2022/02)

Dans l'abondant courrier des lecteurs que reçoit chaque semaine La Partouze Musicale, une question revient très régulièrement : "Mais quand donc La Partouze Musicale va-t-elle se décider à parler de Bonobo ?" Excellente question mes amis ! ;-)

Le Bonobo est effectivement l'animal fétiche de La Partouze Musicale et il était plus que temps d'en parler ! Primate de la famille des Hominidés, proche du Chimpanzé, il s'en distingue par une organisation sociale qui a recours aux relations sexuelles comme mode de résolution des conflits au sein du groupe, quelle brillante idée ! :-D

Chez les bonobos, les relations sexuelles, feintes ou réelles, sont en effet le plus souvent utilisées comme mode de résolution des conflits, à côté des mécanismes de domination (pourquoi renoncer aux fondamentaux ?). Les études suggèrent que les trois quarts des rapports sexuels entre bonobos n'ont pas de fin reproductive, mais plutôt sociale, et que presque tous les bonobos sont « pansexuels ». Des scientifiques ont appelé cette méthode d'accouplement le « sexe convivial » ;-)
La fréquence des rapports sexuels des bonobos est exceptionnelle dans le règne animal et supérieure à celle de tous les primates, les accouplements sont rapides et furtifs, sans aucun geste préparatoire, et ne durent en moyenne qu'une quinzaine de secondes. À côté de pratiques sexuelles variées dont la sexualité orale, le baiser avec la langue ou les rapports homosexuels, le bonobo serait l'un des seuls mammifères à pratiquer, comme l'humain, le coït ventro-ventral (face à face).(1) Le primatologue Frans de Waal préfère parler de « pansexualité » et non pas d'homosexualité ou de bisexualité, pour insister sur le fait que la sexualité du bonobo est totalement ouverte à toutes les relations, et n'est pas orientée vers un seul sexe, un seul genre ; il a même découvert chez les bonobos une pratique, l'« escrime au pénis » que nous vous laissons le soin de visualiser par vous-mêmes ! ;-)

Quel dommage qu'Homo sapiens n'ait pas évolué comme le Bonobo !!!
Vous imaginez un peu l'humanité résolvant les conflits à l'aide du « sexe convivial » ?! Tous les samedis de 2019 des Gilets jaunes partouzant avec des CRS à tous les rond-points de France ?! La récente réunion de négociation entre Jean-Michel Blanquer et les syndicats d'enseignants se transformant en partie fine rue de Grenelle ?! Lors du débat entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen et Emmanuel Macron se jetant l'un sur l'autre pour copuler frénétiquement à même le plateau sous le regard goguenard des journalistes et de millions de français émoustillés ?! Eric Z, excité comme un caniche nain priapique, se masturbant frénétiquement contre la jambe de toute personne au teint un peu basané croisée dans la rue ?! Comme ce serait beau !?...  8-)

Bonobo c'est le pseudonyme que s'est choisi le fort renommé producteur, compositeur et DJ anglais (expatrié à Los Angeles) Simon Green, un des piliers du label Ninja Tune dont le septième album, intitulé "Fragments" est sorti vendredi. Comme beaucoup de monde, Simon Green a mal vécu les deux années qui viennent de s’écouler... Dans un long entretien publié par le magazine DJ Mag, il a déclaré qu'il ne faisait pas partie des gens s'étant épanouis artistiquement pendant le Covid. Du jour au lendemain, plus de soirées, plus de nuit, plus de fêtes, plus de gens dansant autour de lui, auxquels transmettre de la joie, de l’euphorie et qui la lui restituent au centuple... Alors il a profité de la nature californienne, a campé en Utah, s'est ressourcé. Il a aussi fait contre mauvaise fortune bon cœur et profité des divers confinements pour apprendre à utiliser des synthétiseurs modulaires, un type de synthétiseur analogique dans lequel hasard et chaos jouent un certain rôle... sa créativité s'en est trouvée régénérée et de nouvelles idées de morceaux ont commencé à lui venir ;-)

Le morceau le plus étonnant de ce nouvel album s'intitule "Otomo" (en hommage à l'auteur d'Akira ?), une collaboration de Simon Green avec son jeune collègue O'Flynn qui démarre sur un breakbeat des plus classiques avant d'incorporer de saisissants samples d'un cœur bulgare dénommé 100 Kaba-Gaidi. Un des grands talents de Bonobo réside dans la façon fluide dont il entremêle l'électronique et l'organique, mélange échantillons sonores, instrumentations et rythmes. C'est en farfouillant sur Bandcamp qu'il est tombé sur des enregistrements de cet étonnant cœur bulgare de cornemuses, des kaba gajda des monts Rhodopes dont il a trouvé le bourdon proprement irrésistible mais ne voyait pas vraiment comment l'utiliser au mieux avant de demander humblement de l'aide à O'Flynn, peut-être plus habitué à utiliser des échantillons de musiques traditionnelles dans ses compositions ;-)
Le résultat - "Otomo" donc - est des plus troublants, un mélange envoûtant d'hymnes antédiluviens et de pulsations électroniques infectieuses, autrement dit, une bien belle partouze ! :-D

Spéciale dédicace à l'amie Pascale dont ce sera l'anniversaire jeudi, d'avance Bonne Partouze Joyeux Anniversaire Pascale ! :-D
Bonne Partouze à tous·tes ! ;-)

(1) Paragraphe pompé sans aucune vergogne sur Wikipédia... Doigts en forme de cœur pour Wikipédia ! :-)

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Bonobo_-_Fragments

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