Après ma semaine de covid carabiné, j'ai enchaîné sur une semaine de convalescence raplapla (super vacances !) pendant laquelle j'ai cependant retrouvé le goût de la lecture ;-)
J'ai notamment lu un petit livre - petit par la taille mais grand par le contenu - que je vous recommande chaudement : "Espèces d'Espaces" de Georges Perec, publié en 1974. C'est un ouvrage qui n'a qu'un seul défaut à mon humble avis : sa forme très originale pourrait reléguer au second plan la profondeur de son fond. Dans une langue des plus accessibles et sous une forme originale se cache en effet une réflexion très profonde sur notre rapport à l'espace, toutes les formes d'espaces puisque sont tour à tour traités la page, le lit, la chambre, l'appartement, l'immeuble, la rue, le quartier, la ville, la campagne, le pays, l'Europe, le monde et enfin L'ESPACE...

Un passage m'a particulièrement frappé, le paragraphe par lequel s'achève le chapitre XII. Le Monde :
« Que peut-on connaître du monde ? De notre naissance à notre mort, quelle quantité d’espace notre regard peut-il espérer balayer ? Combien de centimètres carrés de la planète Terre nos semelles auront-elles touché ?
   Parcourir le monde, le sillonner en tous sens, ce ne sera jamais qu’en connaître quelques ares, quelques arpents : minuscules incursions dans des vestiges désincarnés, frissons d’aventure, quêtes improbables figées dans un brouillard doucereux dont quelques détails nous resteront en mémoire : au-delà de ces gares et de ces routes, et des pistes scintillantes des aéroports, et de ces bandes étroites de terrains qu’un train de nuit lancé à grande vitesse illumine un court instant, au-delà des panoramas trop longtemps attendus et trop tard découverts, et des entassements de pierres et des entassements d’œuvres d’art, ce seront peut-être trois enfants courant sur une route toute blanche, ou bien une petite maison à la sortie d’Avignon, avec une porte de bois à claire-voie jadis peinte en vert, la découpe en silhouettes des arbres au sommet d’une colline des environs de Sarrebrück, quatre obèses hilares à la terrasse d’un café dans les faubourgs de Naples, la grand rue de Brionne, dans l’Eure, deux jours avant Noël, vers six heures du soir, la fraîcheur d’une galerie couverte dans le souk de Sfax, un minuscule barrage en travers d’un loch écossais, une route en lacets près de Corvol-l’Orgueilleux… Et avec eux, irréductible, immédiat et tangible, le sentiment de la concrétude du monde : quelque chose de clair, de plus proche de nous : le monde, non plus comme un parcours sans cesse à refaire, non pas comme une course sans fin, un défi sans cesse à relever, non pas comme le seul prétexte d’une accumulation désespérante, ni comme illusion d’une conquête, mais comme retrouvaille d’un sens, perception d’une écriture terrestre, d’une géographie dont nous avons oublié que nous sommes les auteurs. »

Rien à rajouter, je vous propose simplement d'écouter la superbe version jazz pour deux pianos d'"Around the World in a Day" proposée par Ray Lema et Laurent de Wilde sur l'album "Riddles" en 2016. Il s'agit de la chanson (pop, psychédélique et orientalisante) qui ouvre et donne son titre au superbe septième album de Prince(1) publié en 1985, un de mes albums préférés de Prince 8-)

Que 2023 exauce tous vos vœux et, si d'aventure ce n'était pas le cas, le service après-vente peut être contacté ici.

Spéciale dédicace toute particulière à Claudine, ma belle-mère et néanmoins fidèle partouzeuse de la première heure dont ce sera l'anniversaire jeudi.
Bonne Année et Bonne Partouze à tous·tes  ! ;-)

(1) Ah non, pas de lien hypertexte pour savoir qui est Prince... non mais et puis quoi encore ?! 8-O

Ray_Lema_Laurent_de_Wilde_-_Riddles