Si vous n'avez pas déjà vu "Hors Normes" le dernier film d'Eric Toledano et Olivier Nakache je ne saurais trop vous conseiller d'aller le voir, il est encore sur les écrans et son succès est à mon humble avis amplement mérité.
Ce n'est pas un film sur l'autisme, ni sur le handicap, c'est un film sur ceux qui donnent leur temps et leur énergie pour essayer tant bien que mal de combler certaines des (nombreuses) failles du système...
Je pense que c'est surtout un film sur la fraternité, la troisième de nos valeurs républicaines, souvent oubliée au profit des deux autres et qui me semble être le fil conducteur de l’œuvre de ces deux cinéastes(1) que Jean-Pierre Bacri a justement surnommés « les deux frères qui ne portent pas le même nom » ;-)

Si vous avez vu ce film ou tout simplement sa bande-annonce, vous aurez sans doute remarqué son étonnante et captivante musique. Il utilise en effet deux morceaux du groupe Grandbrothers, "1202" et surtout "Bloodflow" qui n'ont pas été composés pour le film mais figurent sur le deuxième album du groupe, "Open" (2017).

Grandbrothers est un jeune duo germano-suisse, composé d'Erol Sarp et Lukas Vogel qui ont fait connaissance au cours de de leurs études à l'Institut de Musique et des Médias de Düsseldorf en 2007 avant de lancer leur projet en 2011 et de sortir un premier album en 2015.
Leur musique est on ne peut plus expérimentale, mélange de musique contemporaine (leurs influences vont d'Erik Satie à Steve Reich en passant par John Cage) et de musique électronique... mais figurez-vous que tous les sons que l'on peut entendre dans leurs compositions proviennent d'un unique piano !

Pendant qu’Erol Sarp joue la mélodie au piano à queue, Lukas Vogel est assis derrière un ensemble de "manettes" et un ordinateur à partir desquels il contrôle une machine qu'ils ont construite eux-mêmes et qui est greffée au piano. Cette machine se compose d'une vingtaine de petits marteaux électromécaniques (tels que celui tenu en main sur la pochette ci-dessous) qui frappent le piano à différents endroits, aussi bien les cordes que les parties en bois ou l'armature de métal (n'hésitez pas à zoomer sur la photo de ce piano de Frankenstein !). Il leur est ainsi possible d’utiliser le piano comme une sorte de boîte à rythmes pour créer des rythmes ou des motifs mélodiques. Chaque son généré dans le piano est en effet enregistré en temps réel et Vogel y ajoute des effets, le reboucle ou le découpe en morceaux et le rejoue directement. Le résultat peut parfois sonner très artificiel (bien que ce soit loin d'être toujours le cas) alors que chaque son a son origine dans le piano à queue...

Erol Sarp & Lukas Vogel ont ainsi rejoint Francesco Tristano, Nils Frahm ou Bachar Mar-Khalifé dans la liste des jeunes et ambitieux musiciens qui ces dernières années se sont attachés à emmener le piano, instrument riche d'infinies possibilités, vers de nouveaux territoires musicaux, au croisement de multiples univers sonores :-)
Je vous propose d'écouter "Rotor", un envoutant morceau extrait de leur premier album "Dilation"(2) (2015) qui regorge de pépites (j'aurais tout aussi bien pu choisir "Ezra Was Right" ou "5 gegen 1" !). Ecoutez-le(s) donc plusieurs fois, commencez par le(s) savourer en vous y abandonnant lascivement... puis réécoutez-le(s) au moins une fois en ayant à l'esprit que tout ce que vous entendez provient d'un unique piano à queue...
Étonnant, non ?! ;-)

Spéciale dédicace à Mehdi, un sympathique jeune homme bourré de qualités et de talents qui vient de commencer de brillantes études, fait du sport, joue du piano, compose de la musique et aura 18 ans demain ; d'avance Joyeux Anniversaire Mehdi ! :-D

(1) J'ai vu tous leurs longs métrages et vous les recommande tous ;-)

(2) Terme qui peut se traduire aussi bien par dilatation que par expansion ou élargissement.

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Grandbrothers_-_Dilation