Suite au billet de la semaine dernière vous avez été nombreux à écrire à La Partouze Musicale pour vous inquiéter de mon état de santé et je vous en remercie :-)
Dimanche dernier je me suis donc rendu aux urgences de La Pitié Salpêtrière où j'ai été pris en charge par un jeune interne qui arborait, sous sa blouse blanche négligemment entrouverte, un T-shirt orné d'une célèbre pochette de Rage Against The Machine et avait autour du cou un gros casque audio circum-aural, un look qui m'a tout de suite mis en confiance ;-)
Il m'a attentivement écouté décrire ce qui m'était arrivé, m'a soigneusement ausculté (je dois avouer que c'était un peu gênant...), s'est plongé dans une profonde réflexion quelques instants puis s'est tout à coup illuminé, semblant sur le point de s'écrier "Eureka !".
Il a alors demandé mon transfert en salle d'observation où il m'a accompagné. Là il m'a expliqué que le traitement allait durer 1h50 et que je ne devais sous aucun prétexte m'y opposer si je voulais retrouver un état normal... Il a ensuite posé son casque audio sur mes oreilles, a pianoté sur son smartphone (auquel était relié le casque...) qu'il a ensuite posé à côté de moi et m'a laissé... avec la compilation Double d'Or "Yvette Horner, La Reine de l'Accordéon" (publiée en novembre 2018, quelques mois après la mort de la reine du musette) !!!
Ce remède de cheval a été radical et deux heures plus tard j'ai pu quitter les urgences, toute trace de priapisme désormais disparue...  Tout comme un disc jokey a sauvé la vie de Réjane Magloire avec une chanson, cet interne a sauvé la mienne avec quarante (oui, 40 !) morceaux d'Yvette Horner ! Ça m'apprendra à faire le con ! ;-)

Heureusement que j'avais emporté à tout hasard de la lecture, ça m'a aidé à rendre ce traitement de choc un peu moins pénible puisque je me suis régalé du quatrième et dernier volume du magnifique roman graphique de Manu Larcenet, "Blast".
À propos, aimez-vous les romans graphiques ?! Oui !?
Bravo, vous venez de gagner un magnifique séjour tous frais payés en camp de rééducation par le travail en Corée du Nord ! Ça vous apprendra à parler de roman graphique au lieu de bande dessinée, na ! 8-O

Comme l'explique fort bien Thierry Groensteen, l'un des théoriciens du "9ème art", dans un article que je vous invite à lire, le terme roman graphique cherche à séduire un public (et des médias) qui n’avaient pas vraiment l’habitude de considérer la bande dessinée comme une littérature à part entière... et comme dit l'auteur de BD Denis Bajram, cité dans l'article : « Aujourd’hui, “BD”, “bédé” et même “Bande Dessinée” semblent toujours imprononçables sans mépris par beaucoup trop de commentateurs. En général, ce sont les mêmes qui auront un usage aussi flou que ridicule du mot “roman graphique” (...) Ces derniers temps, j’ai une vraie envie de redire “BD”, d’assumer les origines crottées, populaires et grand public de la narration graphique. » :-D

"Blast" n'est donc pas un roman graphique mais une bande dessinée et même une grande, très grande bande dessinée ! :-)
"Blast" est une oeuvre rare, impressionnante, si impressionnante avec ces 800 pages en noir & blanc (4 volumes de 200 pages chacun !) que j'ai longtemps tourné autour sans oser me lancer dans sa lecture malgré toutes les critiques dithyrambiques que j'en avais lues ou celles qu'on m'en avait faites...
"Blast" c'est l'histoire de Polza Mancini, homme obèse de 38 ans, ancien écrivain qui a tout laissé tomber au décès de son père pour tracer la route... Il est en garde à vue, deux policiers l'interrogent à propos de ce qu'il a fait à Carole Oudinot. Polza raconte donc son histoire, tranquillement, en commençant par le jour où il a vu son père mourant, jour où il a eu son premier blast. Ce terme qui fait référence au souffle d'une explosion, Polza l'utilise pour décrire ce qu'il vit comme une véritable explosion perceptive (en couleur !), intense et éphémère, au cours de laquelle il ressent pleinement le monde qui l'entoure avec une grande fluidité, une acuité rare et où se dévoilent alors avec poésie les ressorts cachés de la réalité. L'histoire mélange donc la garde à vue et les souvenirs racontés par Polza... et c'est un véritable chef-d’œuvre dont je ne saurais trop vous recommander la lecture ! :-D

Par un de ces hasards cocasses qui font le charme de l'existence (!), quelques jours avant de lire ce quatrième tome j'ai découvert un incroyable morceau de musique qui m'a semblé être une véritable illustration sonore des crises de blast de Polza Mancini... Il s'agit de "Kaili" de Caribou, publié en 2010 sur l'album "Swim".

Caribou est l'un des pseudonymes (avec Manitoba et Daphni) de Daniel Snaith, musicien canadien pratiquant la musique électronique et ayant également trouvé le temps d'étudier les mathématiques, voire même de soutenir une thèse de doctorat à l'Imperial College London ! ;-)
"Swim" est un album qui a été encensé par la critique et a même fait l'objet d'une compilation de remixes réalisés par d'autres artistes de la scène électonique... C'est un disque d'une grande richesse, mêlant diverses sortes de musique électronique, telles que l'electronic dance music, la deep house et la techno minimale ;-)
Cet album est le fruit d'une période de travail acharné qui a vu Snaith composer quotidiennement plus de 700 chansons... Je vous en recommande chaudement l'écoute, à commencer bien sûr par "Kaili", morceau un peu zinzin, véritable blast sonore que je vous conseille d'écouter au casque (1) pour profiter pleinement des subtils et efficaces effets de stéréophonie dans lesquels Caribou s'est amusé à envelopper l'auditeur ;-)

Bon blast et Bonne Partouze ! :-D

Spécial dédicace à tous les amateurs de bande dessinée ;-)

(1) Delphine peut bien sûr l'écouter au moyen de son autoradio, alanguie sur la banquette arrière de son automobile... Je n'y vois aucune objection ! ;-)

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Caribou_-_Swim"