J'ai achevé hier soir la lecture d'un excellent livre de science-fiction, "Le Magicien Quantique" de l'auteur canadien Derek Künsken, biologiste moléculaire de formation (traduit par Gilles Goullet).

Lors de notre dernier passage à la librairie La Galerne au Havre, librairie et ville que nous aimons toutes deux particulièrement, ma partouzeuse préférée m'avait lancé sur un ton égrillard « Prends ce que tu veux ! ». J'ai d'abord pensé qu'elle parlait des délicieuses libraires normandes avant de me ressaisir et de comprendre qu'elle proposait tout simplement de m'offrir un livre... Mon regard a alors été attiré, sur une des tables de la librairie, par ce titre ("Le Magicien Quantique", suivez un peu !) car, j'ai beau avoir étudié la physique (beaucoup) plus que la moyenne, je n'ai quasiment rien compris à la physique quantique qui relève pour moi de la magie, un peu à la façon de la dernière des trois lois énoncées par l'auteur de science-fiction Arthur C. Clarke : « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie »(1).

La lecture du résumé en quatrième de couverture m'a mis l'eau à la bouche et les commentaires élogieux de Liu Cixin - "star" chinoise de la littérature de science-fiction(2) - et du Culte d'Apophis ont achevé de me convaincre.

J'ai lu beaucoup de science-fiction lorsque j'ai découvert ce genre, à la sortie de l'enfance(3). Mon premier livre de SF a été un cadeau (sans doute de mes parents ?), il s'agissait d'"À la poursuite des Slans" d'A. E. van Vogt (canadien lui aussi), dans la luxueuse collection "1000 Soleils" de Gallimard (livres reliés et cartonnés recouverts de skaï), avec une jaquette illustrée par Enki Bilal, rien que ça ! Après avoir lu tous les livres du genre se trouvant au rayon jeunesse du bibliobus qui venait chaque lundi (?) s'installer au sommet de la colline de Jolimont, j'ai commencé à m'intéresser à ceux du rayon dédié de la section adulte mais quelle ne fut pas ma déception lorsque la sévère bibliothécaire (pléonasme) ne me laissa pas en emprunter un seul ! Le lundi suivant - un des plus beaux jours de ma vie - ma mère nous accompagna mes frères et moi au bibliobus pour expliquer à ladite bibliothécaire qu'elle pouvait (devait) me laisser emprunter n'importe quel livre de mon choix, quel que soit son rayon d'origine ! :-D

J'ai continué à lire beaucoup de science-fiction pendant l'adolescence. De la fantasy également, essentiellement l’œuvre de Tolkien. "Le Seigneur des Anneaux"(4), lu en 3ème, m'a notamment causé un grand choc : la découverte que la littérature pouvait créer un véritable univers, partagé entre l'esprit de l'auteur et celui du lecteur... J'ai pourtant cessé de lire de la science-fiction au début de mes études supérieures ; je ne m'en suis pas lassé, n'en ai pas été dégoûté ou saturé, j'ai simplement cessé d'en lire, sans pour autant perdre mon goût pour tout ce qui n'existe pas (!), l'imaginaire en général, notamment au cinéma (il y a pléthore de films fantastiques mais les véritables films de science-fiction sont fort rares).

Ce n'est pas le moindre des paradoxes de la science-fiction et de sa cousine la fantasy - disons des littératures de l'imaginaire en général - que d'être désormais quasiment partout, au cinéma, dans les séries télé et d'y rencontrer un succès phénoménal alors que dans le même temps la taille des rayons dédiés aux littératures de l'imaginaire en librairie s'est réduite au fil des ans comme peau de chagrin. Ce qui reste de ce rayon dans n'importe quelle librairie fait piètre figure comparé au rayon des littératures policières (il paraît pourtant que tout le monde déteste la police ?!) et par ailleurs (sauf dans les librairies spécialisées) il est essentiellement consacré à la fantasy qui a plus le vent en poupe que la science-fiction, sans doute en phase avec l'ambiance délicieusement réactionnaire de l'époque...

Ces dernières années j'ai eu envie de lire à nouveau de la science-fiction, notamment après avoir entendu Emmanuel Todd dire qu'il s'était remis à en lire pour se donner de l'espoir, retrouver une forme d'optimisme à la lecture d'œuvres se déroulant dans un futur plus ou moins lointain ou l'humanité existerait encore... C'est en cherchant à savoir quels étaient les auteurs actuels, quelles étaient les œuvres récentes méritant d'être lues que je suis tombé sur le remarquable blog Le Culte d'Apophis qui a largement satisfait ma curiosité et que je consulte désormais régulièrement :-)

Le tenancier de ce blog a récemment expliqué que "Le Magicien Quantique" - conçu à l'origine comme un roman one shot mêlant aventure, casse et humour à la façon d'"Ocean's Eleven" avec de la science-fiction pure et dure et devenu depuis le premier tome du cycle de "L'Evolution Quantique" qui à terme en comportera 4 - avait eu la malchance de sortir en France au moment du premier confinement et n'avait pas eu de ce fait la carrière qu'il aurait dû avoir (un succès de librairie en SF c'est désormais 1000 exemplaires vendus !...) et que sa suite "Le Jardin Quantique" était parue au début de l'année dans un contexte encore plus défavorable ! Entre l’apathie en matière de ventes propre à une année d’élection présidentielle (!), la crise du papier (j'ai découvert à cette occasion qu'il y a une crise du papier, essentiellement due au fait qu'il est désormais plus rentable de fabriquer du carton !), l’effet catastrophique de la guerre en Ukraine sur le moral des consommateurs et sur l'imprimerie (La Russie est l'un des plus gros fournisseurs d'aluminium, tandis que c'est en Ukraine que l'aluminium est transformé en plaques pour imprimer !) et d’autres facteurs encore, ce deuxième tome, pourtant, selon nombre de critiques, encore meilleur que son prédécesseur, débarque en France à un très mauvais moment... Gilles Dumay, directeur de la collection Albin Michel Imaginaire n'est pas franchement optimiste quant à la probabilité que la suite soit traduite, même en cas de succès du "Jardin Quantique" ! Splendeurs et misères de la science-fiction...

Sans rien vous divulgacher d'essentiel sur l'intrigue du "Magicien Quantique", sachez qu'à un moment son personnage principal, Belisarius Arjona, homo quantus et "magicien" du titre, partitionne son architecture neurale, il partitionne son cerveau de la même façon que certains d'entre vous ont peut-être un jour partitionné un disque dur... Cela m'a tout de suite fait penser à une étrange et fascinante chanson découverte récemment, "Hard Drive" de Cassandra Jenkins, publiée début 2021 sur son deuxième album studio "An Overview on Phenomenal Nature", un des meilleurs albums de 2021 selon la presse anglophone ;-)

"Hard Drive" est la piste centrale de cet album. Elle commence par un mémo vocal enregistré par Cassandra Jenkins dans un musée lors d'une exposition des œuvres hybrides - textiles et sculptures - de l'artiste indienne Mrinalini Mukherjee, exposition intitulée "Phenomenal Nature".
« Lorsque nous perdons notre connexion à la nature, nous perdons notre esprit, notre humanité » lui dit une des gardiennes du musée. Saxophone puis guitare étincelante entrent ensuite en scène pour accompagner la voix de Jenkins qui parle plus qu'elle ne chante. Elle raconte diverses rencontres, conversations et passages de sa vie, gravés dans sa mémoire comme sur un disque dur (The mind is just a hard drive / L'esprit n'est qu'un disque dur) jusqu'à une méditation guidée par une amie qui scande « One, two, three » à la façon d'un incantation afin de l'aider à se détendre et à se reconstruire... ce qui est toujours plus facile à dire qu'à faire ;-)

Je ne m'explique pas vraiment pourquoi je trouve cette chanson superbement envoûtante... ce doit être un effet quantique ! 8-)

Spéciale dédicace à Yolène et Claire qui ont toutes deux fêté leur anniversaire lundi dernier... Désolé pour l'absence de partouze la semaine dernière. Bonne Partouze Joyeux Anniversaire les amies ! :-D
Bonne Partouze (quantique) à tous·tes  ! 8-)

(1) Je sais très bien que la physique quantique n'est pas une technologie, ne soyez pas si pédants ! ;-)

(2) Il a déclaré en 2015 à propos de la science-fiction : « L’écriture sur ce thème est sur le déclin à travers le monde, car comme je le suppose, la technologie perd son mystère, alors que le mystère est un squelette important pour la composition de science-fiction ».

(3) Période que l'on nomme aujourd'hui pré-adolescence, l'age adulte étant la post-adolescence, l'adolescence ayant désormais acquis en Occident (où elle est apparue) le statut de pinacle de l'existence humaine. Comme m'a dit il y a longtemps l'ami Thierry C, « la plupart des gens sont morts à 30 ans mais on ne les enterre que bien plus tard » (J'ignore si c'était de lui, il est assez cabotin !).

(4) Si vous avez besoin d'un lien hypertexte pour savoir de qui il s'agit, vous n'avez rien à faire ici, circulez ! 8-O

Ecouter avec Deezer     Ecouter avec Spotify

Cassandra_Jenkins_-_An_Overview_on_Phenomenal_Nature