Il y a quelques jours, l'algorithme(1) de ToiTubeTM - ayant à la longue compris que j'avais un certain intérêt pour François Bégaudeau - m'a fait une proposition audacieuse : un entretien de près de deux heures entre l'ami Bégaudeau et Eric Morillot sur sa chaîne ToiTubeTM "Les Incorrectibles", émanation de l'émission du même nom sur Sud Radio, une radio qui depuis l'époque où  je l'écoutais parfois à Toulouse (A long time ago in a galaxy far, far away...) n'a plus grand chose à voir avec le Sud mais beaucoup plus avec l'extrême-droite... Il suffit d'ailleurs de parcourir la liste des invités de cette série d'entretiens pour se faire une idée de son orientation politique, avec quelques exceptions pour confirmer la règle comme Bégaudeau pour lequel une frange de l'extrême-droite (celle qui lit des livres) a de l'intérêt depuis "Histoire de ta bêtise"(2) , livre dans lequel il fustige une certaine bourgeoisie (celle qui a voté Macron) et il se trouve que l'extrême-droite aime à faire croire aux prolétaires qu'elle est l'ennemie de la bourgeoisie (LOL, PTDR).

Bref, je suis passé outre mon aversion initiale et je n'ai pas été déçu(3), je n'ai pas encore fini de tout regarder, loin de là mais au bout de 17'40", lorsque E.Morillot énonce qu'une notion qui revient dans la plupart des ouvrages de Bégaudeau est celle du capitalisme et lui demande "pourquoi une telle dénonciation ?", la réponse vaut son pesant de cacahouètes et j'y adhère à 200%. Il serait très prétentieux de ma part de prétendre que j'aurais pu dire la même chose, en tout cas sous cette forme, avec cette langue et cette aisance mais il s'agit là exactement de ce que je pense lorsque le réveil sonne le matin(4) et je ne peux résister au plaisir de vous le retranscrire(5) :

« Mais parce que ! Moi j'aurais jamais emmerdé le capitalisme s'il était pas venu m'emmerder, voilà. Mais le capitalisme il vient nous emmerder puisque c'est... [Mais est-ce qu'il y a des alternatives au capitalisme ?] J'espère bien ! Maintenant il est possible que vous et moi nous mourions en n'ayant connu que le capitalisme comme système d'échange. C'est tout à fait possible mais ça n'empêche pas de pouvoir quand même essayer d'envisager à quoi pourraient ressembler des rapports sociaux qui ne soient pas sous tutelle de la marchandise. (...) En gros, c'est quoi le règne du capitalisme, c'est le règne de la valeur marchande, de la valeur d'échange aurait dit Marx. C'est que les choses ne valent, n'ont de valeur qu'en tant qu'elles ont une valeur marchande, une valeur sur le marché. Alors on est un certain nombre à rêver, à promouvoir et parfois même à appliquer déjà des échanges (...) qui ne soient pas marqués au fer rouge par la valeur marchande. C'est ça en fait, tout simplement. Alors il se trouve que si on considère que la marchandisation de l'ensemble de notre réalité est une bonne nouvelle pour l'humanité alors on est béatement pro-capitaliste et puis on vote pour les partis de la conservation. Si à l'inverse on trouve qu'il y a quelque chose de fondamentalement aliénant là-dedans, de fondamentalement réducteur surtout, moi je... moi ce qui m'intéresse dans cette affaire à la base de tout, c'est de rendre la vie à sa multiplicité.

[C'est qui les opprimés aujourd'hui pour vous ?] Bah c'est tous ceux qui sont sous tutelle de la marchandise. C'est à dire à peu près tout le monde en fait. Simplement il y a des gens qui sont quand même un peu plus (...) qui ont un peu plus la main que les autres, qui sont un peu plus les ordonnateurs de ce monde que ceux qui subissent ce monde. Moi, je considère que je subis ce monde-là depuis que je suis adolescent, c'est-à-dire en âge de devoir gagner ma croute, ou la majorité si vous voulez, ou juste après mes études (...) En gros, la scène matricielle de cette affaire, la scène centrale autour de laquelle tous les débats politiques devraient tourner - parce que tout le reste est littérature, tout le reste est blabla pour Twitter : 95% des gens qui se lèvent le matin pour aller bosser ne sont pas contents d'aller bosser. Et si jamais ils étaient livrés eux-mêmes, si jamais ils étaient... s'ils écoutaient leurs désirs, ils feraient autre chose que d'aller travailler là où ils vont travailler. A partir de cet état de fait, il devient absolument légitime d'être radicalement contre cet état de fait.

Ou alors on trouve tout à fait normal - il y a des discours comme ça dont on dit parfois qu'ils sont des conséquences d'un certain judéo-christianisme, je trouve ça toujours un peu fumeux comme hypothèse mais il y a cette idée que quand même dans la vie il faut en chier un peu quoi - bah ouais mon vieux, bah oui c'est vrai tu auras un boulot et tu n'aimeras pas ton boulot. Ça veut dire que tu consacreras 40 heures de ta semaine, parfois 45, parfois 50 à faire des choses que tu - et puis l'essentiel de ta vie en bonne santé - à faire des choses que tu n'aimes pas. Mais quelle drôle de vie ! Dans quel piège nous sommes-nous mis, nous les humains ?

Voilà, c'est aussi simple que ça. Si on se contente de ça, si on trouve que c'est normal - ben, ma foi, voilà faut en chier, c'est comme ça - eh bien continuons, continuons. Continuons à aliéner nos vies, continuons à être terriblement en dessous de nous-mêmes. Il faut partir de ce que peut un corps. Un corps peut beaucoup. Un cerveau peut beaucoup. Or un cerveau et un corps fond beaucoup moins que ce qu'ils peuvent dans une vie. Voilà l'élément de tristesse de départ et voilà ce contre quoi nous devrions tous être vent debout. »

"Close the shop, let's take a drive / Take a break from 9 to 5 / It's so great to be alive, oh yeah" ("Ferme le magasin, prenons la voiture / Et faisons une pause de 9h à 17h / C’est si bon de se sentir en vie, oh ouais") c'est par ce programme on ne peut plus anti-capitaliste (et je vous laisse apprécier la suite) que commence une de mes chansons préférées de Prince (& The New Power Generation), "Strollin'" publiée en 1991 sur l'album "Diamonds and Pearls"(6). C'est une chanson apaisée et apaisante, un hymne primesautier aux plaisirs simples de l'existence, au pur plaisir d'être en vie :-D

Strollin', strollin' we could have fun just strollin'
Rockin', rollin', oh yeah

Spéciale dédicace à mon père (dont c'était la fête ce jour) ainsi qu'à Nathalie qui fêtera son anniversaire mardi... Bonne Partouze Joyeux Anniversaire & Big Bisous ! :-D

Bonne fin du capitalisme Bonne Partouze à tous·tes, have fun just strollin' ! ;-)

(1) Si j'étais journaliste ou que je travaillais dans le marketing j'aurais bien évidemment écrit Intelligence Artificielle... mais étant ingénieur et qui plus est islamo-gauchiste, j'aime le mot algorithme venu de l'arabe... ;-)

(2) C'est justement le sujet de son essai suivant, "Notre joie".

(3) Je n'ai d'ailleurs jamais été déçu par l'ami Bégaudeau pour lequel j'avais pourtant intialement une aversion viscérale, je vous raconterai peut-être ça un jour... ;-)

(4) Plus exactement, lorsque le réveil sonne le matin je pense "Allez tous vous faire frire le cul !" mais si je devais développer cette fulgurance ça donnerait à peu de chose près le texte qui suit...

(5) J'ai pour ce faire utilisé DownSub, une petite application ouaibe fort pratique qui permet de télécharger les sous-titres d'une vidéo ToiTubeTM et consorts 8-)

(6) Pour ceux qui n'ont jamais eu le CD de cet album entre les mains, sachez que si sa jaquette vous paraît un peu étrange c'est qu'elle comportait un hologramme !

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Prince_-_Diamonds_and_Pearls