La Partouze Musicale

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dimanche 1 janvier 2023

La Partouze Musicale #143 (2022/52)

Après ma semaine de covid carabiné, j'ai enchaîné sur une semaine de convalescence raplapla (super vacances !) pendant laquelle j'ai cependant retrouvé le goût de la lecture ;-)
J'ai notamment lu un petit livre - petit par la taille mais grand par le contenu - que je vous recommande chaudement : "Espèces d'Espaces" de Georges Perec, publié en 1974. C'est un ouvrage qui n'a qu'un seul défaut à mon humble avis : sa forme très originale pourrait reléguer au second plan la profondeur de son fond. Dans une langue des plus accessibles et sous une forme originale se cache en effet une réflexion très profonde sur notre rapport à l'espace, toutes les formes d'espaces puisque sont tour à tour traités la page, le lit, la chambre, l'appartement, l'immeuble, la rue, le quartier, la ville, la campagne, le pays, l'Europe, le monde et enfin L'ESPACE...

Un passage m'a particulièrement frappé, le paragraphe par lequel s'achève le chapitre XII. Le Monde :
« Que peut-on connaître du monde ? De notre naissance à notre mort, quelle quantité d’espace notre regard peut-il espérer balayer ? Combien de centimètres carrés de la planète Terre nos semelles auront-elles touché ?
   Parcourir le monde, le sillonner en tous sens, ce ne sera jamais qu’en connaître quelques ares, quelques arpents : minuscules incursions dans des vestiges désincarnés, frissons d’aventure, quêtes improbables figées dans un brouillard doucereux dont quelques détails nous resteront en mémoire : au-delà de ces gares et de ces routes, et des pistes scintillantes des aéroports, et de ces bandes étroites de terrains qu’un train de nuit lancé à grande vitesse illumine un court instant, au-delà des panoramas trop longtemps attendus et trop tard découverts, et des entassements de pierres et des entassements d’œuvres d’art, ce seront peut-être trois enfants courant sur une route toute blanche, ou bien une petite maison à la sortie d’Avignon, avec une porte de bois à claire-voie jadis peinte en vert, la découpe en silhouettes des arbres au sommet d’une colline des environs de Sarrebrück, quatre obèses hilares à la terrasse d’un café dans les faubourgs de Naples, la grand rue de Brionne, dans l’Eure, deux jours avant Noël, vers six heures du soir, la fraîcheur d’une galerie couverte dans le souk de Sfax, un minuscule barrage en travers d’un loch écossais, une route en lacets près de Corvol-l’Orgueilleux… Et avec eux, irréductible, immédiat et tangible, le sentiment de la concrétude du monde : quelque chose de clair, de plus proche de nous : le monde, non plus comme un parcours sans cesse à refaire, non pas comme une course sans fin, un défi sans cesse à relever, non pas comme le seul prétexte d’une accumulation désespérante, ni comme illusion d’une conquête, mais comme retrouvaille d’un sens, perception d’une écriture terrestre, d’une géographie dont nous avons oublié que nous sommes les auteurs. »

Rien à rajouter, je vous propose simplement d'écouter la superbe version jazz pour deux pianos d'"Around the World in a Day" proposée par Ray Lema et Laurent de Wilde sur l'album "Riddles" en 2016. Il s'agit de la chanson (pop, psychédélique et orientalisante) qui ouvre et donne son titre au superbe septième album de Prince(1) publié en 1985, un de mes albums préférés de Prince 8-)

Que 2023 exauce tous vos vœux et, si d'aventure ce n'était pas le cas, le service après-vente peut être contacté ici.

Spéciale dédicace toute particulière à Claudine, ma belle-mère et néanmoins fidèle partouzeuse de la première heure dont ce sera l'anniversaire jeudi.
Bonne Année et Bonne Partouze à tous·tes  ! ;-)

(1) Ah non, pas de lien hypertexte pour savoir qui est Prince... non mais et puis quoi encore ?! 8-O

Ray_Lema_Laurent_de_Wilde_-_Riddles

dimanche 2 octobre 2022

La Partouze Musicale #136 (2022/39)

Les trois flics policiers responsables de la mort par asphyxie d'Amadou Koumé, le 5 mars 2015 dans une rue de Paris, ont été condamnés, la semaine dernière, par le tribunal correctionnel à quinze mois de prison avec sursis. Ils avaient maintenu la victime à plat ventre pendant 6'30".
Pour à peu près les mêmes faits sur la personne de George Floyd, un flic policier américain a été condamné à vingt et un ans de prison. Et son crime avait déclenché la vague de manifestations Black Lives Matter.
Autre temps, autre lieu, conclut Le Canard Enchaîné.
Il n'y pas de racisme systémique en France, circulez il n'y a rien à voir.

La semaine dernière l'ami Laurent m'a fait remarquer en commentaire que Pharoah Sanders et la reine d'Angleterre étaient décédés. C'est son commentaire qui m'a appris la mort du premier, il faut croire que pendant deux jours je n'avais pas écouté FIP aux bons moments ni consulté le moindre site d'information sur le ouaibe... Quant à la télévision, je ne la regarde jamais en direct mais je doute que le moindre JT ait évoqué ce décès, corrigez moi si je me trompe !
En revanche pour ignorer la mort de la seconde, il aurait fallu que je sois plongé dans le coma les trois dernières semaines...
Pharoah Sanders n'a pas eu de funérailles nationales, il n'y a pas eu de chefs d'État ou de dignitaires étrangers à ses obsèques, pas de procession, pas d'exposition de son cercueil au public pendant plusieurs jours, pas de cirque médiatique pendant deux semaines...
A mon humble avis qui n'engage que moi et dont il se trouve que je le partage, il a pourtant bien plus apporté à l'humanité que la dame aux Welsh Corgis.

C'est grâce au collectif(1) Brooklyn Funk Essentials que j'ai découvert la musique de Pharoah Sanders. Leur premier album, "Cool and Steady and Easy" (1994) contient en effet une reprise on ne peut plus groovy de "The Creator Has a Master Plan" qui eut à l'époque son petit succès.
Ce morceau est à l'origine bien plus contemplatif et beaucoup plus long (32'46" !), il constitue la pièce maitresse de l'album "Karma" (1969), œuvre pionnière du spiritual jazz et considéré comme le chef-d’œuvre de Pharoah Sanders.
J'ai récemment eu a la surprise d'apprendre que Brooklyn Funk Essentials existait encore et s'était produit le 10 septembre au New Morning à Paris. C'est leur version on ne peut plus vivante de "The Creator Has a Master Plan" (et de seulement 5'50") que je vous propose d'écouter :-)

Spéciale dédicace à Amadou Koumé et Pharoah Sanders, RIP.

Bonne Partouze à tous·tes  ! 8-)

(1) Un collectif est à un groupe ce qu'un roman graphique est à une bande dessinée, c'est à dire la même chose mais avec une appellation plus noble, moins susceptible d'écorcher la bouche d'un·e journaliste de Télérama goûtant peu la véhémence gutturale ;-)

Ecouter avec Deezer     Ecouter avec Spotify

Brooklyn_Funk_Essentials_-_Cool_and_Steady_and_Easy

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