La semaine dernière il était question de poésie amoureuse de la Renaissance et figurez-vous que cette semaine il sera encore question de poésie car à La Partouze Musicale on aime la poésie ! Mais ça vous le saviez déjà, non ?! ;-)

Dylan Thomas est un des plus grand poètes de langue anglaise du XXème siècle et - contrairement à ce que beaucoup d'Américains croient - il n'est pas américain mais gallois. "Do not go gentle into that good night", son poème le plus célèbre est écrit sous la forme d'une villanelle et se prête donc particulièrement bien à une adaptation en chanson.

Co-fondateur avec Lou Reed du mythique groupe The Velvet Underground, John Cale est un des musiciens majeurs du du XXème siècle et - contrairement à ce que beaucoup d'Américains croient - il n'est pas américain mais gallois. En 1989 il a publié "Words for the Dying", un album qui lui a été en partie inspiré par la guerre des Malouines(1) et dans lequel il a mis en musique un certain nombre de poèmes de son compatriote Dylan Thomas, notamment "Do not go gentle into that good night" qu'il a adapté pour piano, orchestre et chœur d'enfants.
J'aime beaucoup cette version mais j'apprécie encore plus sa version pour piano solo que l'on trouve sur l'album "Fragments of a Rainy Season" publié en 1992(2). Il s'agit là d'une version épurée, allégée de son gras(3) et même de son muscle, pour ne conserver que l'os, voire la substantifique moelle...

Comme la plupart des traductions de ce magnifique poème que l'on trouve sur le ouaibe sont entachées d'une coquille transformant l'un des vers en grand portnawak, je me permets de vous reproduire ici la traduction d'Alain Suied publiée chez Gallimard(4).

N'entre pas sans violence dans cette bonne nuit,
Le vieil âge devrait brûler et s'emporter à la chute du jour;
Rager, s'enrager contre la mort de la lumière.

Bien que les hommes sages à leur fin sachent que l'obscur est mérité,
Parce que leurs paroles n'ont fourché nul éclair ils
N'entrent pas sans violence dans cette bonne nuit.

Les hommes bons, passée la dernière vague, criant combien clairs
Leurs actes frêles auraient pu danser en une verte baie
Ragent, s'enragent contre la mort de la lumière.

Les hommes violents qui prirent et chantèrent le soleil en plein vol,
Et apprennent, trop tard, qu'ils l'ont affligé dans sa course,
N'entrent pas sans violence dans cette bonne nuit.

Les hommes graves, près de mourir, qui voient de vue aveuglante
Que leurs yeux aveugles pourraient briller comme météores et s'égayer,
Ragent, s'enragent contre la mort de la lumière.

Et toi, mon père, ici sur la triste élévation
Maudis, bénis-moi à présent avec tes larmes violentes, je t'en prie.
N'entre pas sans violence dans cette bonne nuit.
Rage, enrage contre la mort de la lumière.

Si vous avez vu "Interstellar" le chef-d’œuvre cinématographique de Christopher Nolan, ce poème doit vous rappeler quelque chose... Si vous ne l'avez pas vu, je vous invite à le voir toutes affaires cessantes, même si vous pensez ne pas aimer la science-fiction, genre trop vulgaire ou immature à vos yeux ! 8-)

Paul Jorion a écrit qu'avec "Interstellar" débute le travail de deuil de notre espèce à propos d’elle-même... ce n'est pas rien.
Comme d'autres qui l'écrivent bien mieux, La Partouze Musicale ne souhaite guerre civile et tyrannie à personne. Cependant nous savons tous que l'on récolte ce que l'on a semé...
Tant que c'est possible, bonne partouze.
Le dernier qui s'en va éteint la lumière
.

(1) Conflit aujourd'hui presque oublié qui eut trois conséquences notables : l'une positive, la chute de la junte militaire en Argentine ; l'autre négative, la réélection de Margaret Thatcher au Royaume Uni et enfin une conséquence pour le moins cocasse, plusieurs semaines d'érection permanente pour certains commentateurs français (bien avant l'invention du citrate de sildénafil !), tout émoustillés par les "performances" du missile tricolore Exocet...

(2) Réédité en 2016 avec 8 pistes supplémentaires, ce disque comporte une version de la chanson "Hallelujah" (Leonard Cohen) qui tue sa race comme disait ma grand-mère ;-) Elle a d'ailleurs servi de base à celle de Jeff Buckley ("Grace", 1994).

(3) Gras de mammouth ;-)

(4) Cette œuvre et sa traduction sont encore soumises au copyright et ce texte sera donc retiré sur simple demande des ayant-droits.

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John_Cale_-_Fragments_of_a_Rainy_Season