Le niveau historiquement bas de la participation au premier tour des régionales du 20 juin est le symptôme de la rupture d’une majorité de Français avec la parole publique et le système représentatif, estime dans sa chronique du 22 juin Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ».
Le titre de cette chronique est « A travers l’abstention, c’est la capacité des politiques à changer la vie qui est mise en doute ». Ce titre est intéressant, je crois qu'il approche de près la vérité ; il aurait pu être parfait s'il avait employé « volonté » au lieu de capacité... mais j'imagine qu'on ne peut pas être journaliste au Quotidien Vespéral des Marchés et penser que les politiques manquent de volonté ;-)

Le vulgum pecus(1) au contraire a bien compris que si les politiques ont bien la capacité de changer la vie - car ils produisent la loi, l'arme la plus puissante qui soit en démocratie - ils n'en ont depuis belle lurette plus la volonté. Un politique n'est pas délocalisable (pour l'instant), pas licenciable (même battu à une élection il se recase généralement sans problème, crée son cabinet de conseil, est coopté au sein d'un conseil d'administration, profite d'une confortable retraite, est logé par un ami généreux), il n'a pas de problèmes de fins de mois, ne s'inquiète pas pour l'avenir.
Quand on est un pur produit du système capitaliste méritocratique comment pourrait-on avoir la lubie de le remettre en question ? Quand on compte sur son carnet d'adresses en cas de défaite, comment pourrait-on s'aliéner les riches et puissants premiers de cordée en votant des lois allant à l'encontre de leurs intérêts ?...

J'ai récemment découvert(2) un formidable auteur-compositeur-interprète québécois dénommé Louis-Jean Cormier qui a publié 4 albums depuis 2012. Je les ai tous écoutés et les ai tous trouvés remarquables, j'irais même jusqu'à dire qu'ils m'ont explosé la tête ! 8-)
"Quand la nuit tombe" (2020) comporte une chanson intitulée "Croire en rien", écrite en 10 minutes (!) et destinée au père de Cormier, mort le premier jour du mixage de l'album et qui était prêtre avant de fonder une famille...(3) C'est une chanson qui parle de religion mais dont le texte décrit avec une étonnante pertinence le rapport que j'entretiens désormais avec la politique (ou en tout cas les politiques !) et il semble que je ne sois pas seul dans ce cas...

J’ai pu le goût de croire en rien
Je sais être heureux,
Pas besoin d’eux
Pour suivre mon chemin

J’ai pu le goût de croire en rien
J’avance au milieu
des demi-dieux
Ou des ennemis du tien

Je sais que ça te fait mal
Que ça te rend triste
De me voir quitter le bal
Et même si tu insistes...

J’ai pu le goût de croire en rien
J’ai mon propre ciel
Des anges sans ailes
Et des prêtres sans main

J’ai pu le goût de croire en rien
Y’a trop de tueries
Ou de crucifix
Pour changer l’eau en vin

Je sais que ça te fait mal
Que ça te rend triste
De me voir en cavale
Mais même si tu insistes...

J’ai pu le goût de croire en rien
Je serai le sauveur
De mon simple bonheur
Et de celui des miens

J’ai pu le goût de croire en rien
J’ai le vent dans les voiles
Mes propres noms d’étoiles
Et mes propres refrains

Je sais que ça te fait mal
Que ça te rend triste
De me voir en cavale
Mais même si tu insistes...

En revanche, je ne pense pas le moins du monde que l'abstention fasse mal aux politiques ou qu'elle les rende tristes... Ils font certes mine d'insister... mais au fond, tant qu'il y a de la lumière et que la soupe est servie, business as usual !

Sur ce je vous laisse, avant que les bureaux de vote ne ferment, il faut que j'aille une fois de plus déclarer ma flamme à Valérie.(4)
Bonne Partouze ! :-D

(1) C'est-à-dire en gros toute personne qui ne se demande pas quelles peuvent bien être les meilleures cafetières à piston, les plus innovantes, les plus élégantes, et celles qui font le café le plus limpide et le plus aromatique...

(2) Comme souvent grâce à FIP ! ;-)

(3) Le deuil a inspiré à Louis-Jean Cormier son magnifique quatrième album, "L'ironie du sort" (2021).

(4) Un peu comme ces raclures petits coquinous de Jean-Paul et Manu (pas le start-upeur, l'autre, le looser).

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Louis-Jean_Cormier_-_Quand_la_nuit_tombe